Toute la misère du monde ?

Plus de 350 000 migrants sont arrivés sur notre continent depuis le début de l’année. Près de 2 700 sont morts dans des conditions terrifiantes. La crise humanitaire est majeure, mais l’indignation mineure. Les uns continuent leur petite cuisine électorale tandis que les autres font assaut d’arguments « imparables » - qui sur les causes contestables, qui sur la fraude détestable, qui sur l’invasion effroyable – pour ne rien faire ou plutôt pour fermer cœurs et frontières à ces malheureux de la terre.


Et partout, c’est l’égoïsme qui triomphe. Les uns bâtissent des murs ou posent des barbelés, les autres refusent de prendre une part équitable à l’effort collectif d’accueil des réfugiés, et tous multiplient les actions coup de poing qui ne résolvent rien. Et pendant ce temps, cela ne change rien ou presque aux flux migratoires, mais tout pour ceux qui les composent. Car ce sont des femmes et des hommes, des parents et des enfants, des vieux et des jeunes, des croyants et des incroyants qui sont exploités par des hommes sans scrupule, ruinés par des passeurs ignobles, brisés par des circonstances dramatiques, tués lors de naufrages malheureusement prévisibles. Et que faisons-nous ? Si peu de choses, sinon nous demander si nous avons bien vocation à accueillir toute la misère du monde !


Je frémis de penser à ce qui ce serait passé pendant la seconde guerre mondiale si la Suisse n’avait ouvert ses portes aux enfants français menacés par la guerre, si le Royaume-Uni n’avait recueilli les chefs de la résistance de notre pays, si les Etats-Unis n’avaient accueilli les juifs pourchassés par les nazis… Ne nous voilons pas la face, ceux qui échouent sur nos côtes sont dans une situation guère différente : pour l’essentiel ils fuient la guerre ou la persécution, et parfois même les deux à la fois. Leur fermer nos frontières, c’est tirer un trait sur les Droits de l’Homme dont nous nous réclamons, c’est oublier ce que notre pays doit à l’immigration dans sa construction, c’est renier la dette que nous avons à l’égard des nations qui ont contribué à la libération de la France. Et, pour nous croyants, c’est faire injure à Dieu qui a créé ces hommes et ces femmes à son image et nous invite à les traiter dignement.


L’exemple de l’Allemagne, prête à accueillir 800 000 réfugiés en 2015, et les propos de sa chancelière qui invoque les valeurs chrétiennes pour affirmer : « la dignité de chaque être humain (...) doit être protégée partout là où elle est en danger » ne devraient pas nous laisser indifférents. Quoique minoritaires, nos Églises évangéliques ont vocation à manifester l’amour de Dieu aux réfugiés, à tous les réfugiés que le Seigneur met sur leur route. Et à le faire avec lucidité et vérité : ils ne représentent de loin pas toute la misère du monde et surtout nous sommes bien assez riches pour les aider. En bien des endroits, nos Églises et nos œuvres sont déjà actives en faveur des plus démunis, et donc aussi des réfugiés qui frappent à leur porte. Nous aurons l’occasion de vous en parler plus en détail. Mais il y a tant à faire qu’il faut intensifier nos efforts pour bien accueillir les migrants et oser interpeller les autorités pour que notre pays sorte de sa crispation.

Étienne LHERMENAULT

Président du CNEF

  

Dessin de Layla 8 ans - Syrienne

(UNICEF/Pirozzi)

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